Le jaune, n'est pas une couleur dont j'aimerais m'habiller, ça fait désordre avec ma vert mine de papier mâché que je traîne encore aujourd'hui . Le jaune ce fut en premier lieu... un ictère des plus lumineux, je devais avoir deux ou trois ans, mon foie n'a fait qu'un tour..."Mémère Marie" s'est occupée de tout, bien embêtée que sa petite fille soit malade pendant les vacances. Je me souviens du jour de ma libération, du premier petit déjeuner accordé par mon docteur (qui n'était en fait que le médecin le plus proche à vol d'oiseau), je crois bien que ça a commencé comme ça... Plusieurs semaines de tisanes de menthe avaient eu raison de mon peu de goût pour le vert irrémédiablement. Le poison café au lait m'était interdit à vie, il fallait bien trouver une solution pour que je puisse avaler quelque chose et me requinquer comme disait Mémère... C'est ce jaune d'or là, qui fut mon sauveur celui de B...nia, du plus loin que je me souvienne j'ai toujours vu chez mes deux grand-mères, ces boites de métal sur lesquelles il y avait des petites bananes dessinées. L'homme au chapeau rouge avait une bonne bouille, souriante, engageante aussi tentante que celle de l'Uncle B.! Mais le principal résidait dans la préparation miraculeuse, c'était "à cuire", loin de l'instantané* pour ménagère préssée qu'on trouve maintenant ! Le vrai de mon enfance, c'était tout un art, Mémère comptait les cuillérées , suivait la recette à la lettre, et j'assistais de tout mon être à l'élaboration de la potion. D'abord faire chauffer un peu de lait (oh encore un mot qui me fait frissonner de bonheur), je dévorais les gestes contrôlés de grand-mère , le grattage de l'allumette qui enflammerait le gaz bleuté, le souffle puissant qui éteindrait le morceau de bois carbonisé, dont le bout arrondi se recroquevillait laissant un parfum d'anniversaire... Mais revenons à notre jaune banane, qui attend patiemment que j'arrête de divaguer pour donner son arôme d'antan.
Grand-mère prenait garde à ne pas faire bouillir le peu de lait lové dans la casserole au manche de porcelaine, le versait sur la poudre magique déposée dans un bol à damiers , et s'empressait de touiller le mélange avec une rapidité et une dextérité qui me fascinait, basculait la bouillie préparée dans une casserole plus grande, ajoutait du lait, touillait encore jusqu'à ce que la mousse onctueuse ait atteint sa texture idéale. Pas touche !!!... ça brûle disait-elle, il fallait patienter encore ... elle transvasait de bol en bol pour refroidir le chocolat, je crois bien que toute la collection de bols à damiers défilait devant mon regard, tous aussi beaux les uns que les autres, les couleurs de l'enfance ont aussi ces tons là au fond de ma mémoire. Mon sourire devenait alors celui du bonhomme de la boîte, je dégustais ce jaune, ressortais le visage de mon bol, quelques perles de sueur au front et des moustaches chocolatées jusqu'aux oreilles. Le jaune c'est chez "Mémère" qu'il a pris sa source, c'est ce jaune cacao, que je collectionne depuis ... Vous savez maintenant, vous qui passez par la bulle, la raison de mon "engoûtment" pour le chocolat... jusqu'à la déraison .... Grand-mère savait faire..... briller mes yeux... à bols d'amour !
@Tricôtinôcacao
(*) l'ancienne recette à cuire est rééditée... ça a le goût du vrai je vous le promets!
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