Le train était à l'heure, malgré les incidents survenus sur les voies la veille. Retarder le voyage d'un jour avait finalement été plus simple qu'elle ne l'avait imaginé, le guichetier n'avait pas opposé de refus à changer son billet, plaisantant sur leur prochaine entrevue du lendemain à la même heure . Cette journée supplémentaire lui avait permis d'être plus sereine, le sac à dos bourré à la hâte la veille par manque de temps serait inventorié plus avant et complété si nécessaire . Comment s'habiller lorsque l'on s'éloigne de sa région d'une telle distance ? La météo bien sûr, lui avait donné quelques repères, mais elle doutait du choix des vêtements qui lui permettraient d'apprécier pleinement ces quelques jours . Elle savait qu'une fois là bas , s'il manquait quelque chose on la dépannerait, mais son caractère était ainsi fait, il n'y avait pas de place pour l'imprévu, surtout pas pour les désagréments, elle se faisait une telle fête de partir vers cette destination lointaine.
Elle voyagea sans encombre, malgré les diverses correspondances qui avaient ponctué son itinéraire . La dernière portion de chemin de fer, lui parut rapide, les paysages qu'elle avait aperçus par la fenêtre s'étaient insinués un à un dans son âme , laissant exploser un bouquet final de roches grises et de cours d'eau d'un bleu profond.
L'excitation des jours précédents s'était muée en une lumière intérieure intense, et apaisée.
L'accueil fut chaleureux dès le premier instant.. La simplicité, la spontanéité émanaient de ses hôtes qui n'avaient pourtant rien laissé au hasard, chacun des convives fit l'objet d'une attention particulière discrètement orchestrée. Un observateur extérieur aurait pû s'y méprendre, croire qu'il assistait aux retrouvailles estivales dans la maison familiale, d'une tribu essaimée aux quatre vents, heureuse de partager les derniers jours d'été . Elle sourit à cette pensée, profondément émue et ne put s'empêcher d'ajouter mentalement une légende au tableau "nous avions rendez vous en terre inconnue, nous sommes arrivés en pays de connaissance " .
Ces quelques jours passèrent en un éclair, son sac qu'elle croyait avoir allégé des quelques petites choses offertes à ses amis, lui parut plus difficile à boucler, plus lourd soudain au moment du départ. Un second rendez-vous non loin promettait pourtant encore d'autres réjouissances ....
Tout au long du trajet de retour, elle plana sur un petit nuage qu'elle s'amusait à imaginer "accroché aux montagnes" qu'elle venait de quitter. Lorsqu'elle saisit son sac à l'approche du terminus, un "Meuh" joyeux jaillit d'une des poches intérieures, les voyageurs surpris la dévisagèrent instantanément ... Un fou rire monta dans sa gorge, irrépressible....
@ Tricôtinôzévasions