Rouge, c'était la couleur qu'on me destinait, pas du rose, ni du bleu, du rouge!
Le bleu, c'était mon frère qui y avait droit.
Le bleu que j'ai toujours aimé, mon presque jumeau, de 14 mois mon ainé en héritait.
Tata tricotait la même taille pour ses neveux, le même modèle, pas de jaloux , j'aimais les pulls bien faits de Tata, mais je n'avais aucun espoir d'hériter un jour du pull bleu de mon frère, quand c'était trop petit pour lui, c' était aussi trop petit pour moi.
Sur les photos de notre enfance, nous avions aussi la même coupe de cheveux... à ras !!
C'est simple, au salon de coiffure, on faisait tir groupé....Papa, et ses deux sbires, direct "côté homme".
Chacun à notre tour, étions installés, hissés au sommet d' une pile de bottins, sur le fauteuil en molesquine.
Le grand miroir qui me faisait face, me renvoyait l'image .... d'un garçonnet, seule différence, légèrement visible pour qui avait un peu l'oeil aiguisé, j'avais ces boucles d'oreilles que mon arrière grand mère m'avaient offertes, au prix d'un perçage de lobe mémorable chez le bijoutier... ça vous marque les lobes, le temporal surtout, le perçage du cartilage...
J'avais deux ans et demi, premier acte de bravoure qu' on avait récompensé avec un joli petit vase décoré à la main, orné de fleurs rouges... Ce vase toujours vivant, à l'oreille brisée maintes fois recollée , gardien de mes lobes frontaux, vestige des souvenirs d'une autre galaxie, mon vase de Soissons rescapé du temps et des déménagements.
Je lorgnais avec envie du côté féminin de la coiffure, (mais c'est une autre histoire)...
Revenons à nos moutons, ou plutôt à cette histoire rouge, qui vous marque au fer du même ton, sans toutefois vous laisser de traces indélébiles et traumatisantes!
Le rouge des hivers de mon enfance, c'est aussi celui de mes joues, à peine perceptibles sous ma cagoule carmin , cette chose tricotée qu'on enfilait dès le matin au son du "mets ta cagoule" claironné par Maman .
Votre bouche filtrait l'air respirable à travers les mailles finement serrées et renvoyait ses buées, qui givraient instantanément, provoquant des gerçures que nous soignions aux ruses de sioux marternelles, et au dermophil indien spécial "peau rouge" .
Nous avions les oreilles au chaud, le crâne aussi... L'état du cuir chevelu qui n'avait plus que son nom pour illustrer le peu de poils restés sur son caillou, réclamait son dû de mailles chaudes.
Nos anoraks maigres étaient réversibles, un côté bleu, un côté rouge, à croire qu'on ne connaissait que ces deux couleurs dans les canons de la mode enfantine de l'époque ?
Nous allions dans la neige, bonhomme bleu, bonhommette rouge, et vivions l'hiver à grand renfort de jeux de garnements en pantalons...
J'étais la féminité incarnat incarnée, attendant déjà la fin de l'hiver, où la cagoule serait enfin éjectée, emportant avec elle dans un élan électrisé mes cheveux finalement repoussés .
@Tricôtinenrouge