Défi n° 81 "Enfance, enfances
Proposé par Jeanne FADOSI
illustration extraite d'un numéro du journal "La mode illustrée" de 1870
Vous donnerez à votre texte (pas trop long) la forme que vous souhaitez
(prose, vers, calligramme,etc.),
à partir de ce que vous inspire cette image.
C'était un tapis moelleux presque capitonné qu'on avait déroulé sur le sol afin que l'enfant puisse évoluer en toute liberté. Il était agrémenté de larges rubans brodés de décors enfantins, ses couleurs vives et les seynettes amusantes qu'il représentait étaient autant de chemins propices à initier l'éveil de la parole et de la pensée, une porte ouverte vers l'imaginaire.
Marie s'amusait à faire découvrir à sa fillette Clo, les diverses représentations qui l'avaient jadis fascinée.
Elle n'avait pû se résoudre à laisser ce tapis abandonné, tant elle était attachée au souvenir de sa grand mère qui l'avait confectionné lorsque ses frères ainés étaient nés.
Ce tapis avait connu tant de genoux d'enfants, tant de babillages , avait porté tant de rêveries au sein de cette famille aux nombreux héritiers, qu'il en avait quelque peu souffert.
Ses frères, jumeaux de leur état, avaient usé, ô combien, le centre de l'étoffe à force de batailles meutrières livrées entre armées ennemies de soldats de plomb! Ils y avaient tellement pris goût qu'ils avaient fait carrière l'un dans la cavalerie l'autre dans l'artillerie, et morts tous deux, un même jour d'hiver, sans trompette ni tambour... au fond de leur lit , tombés sous les coups redoutables de la grippe Espagnole.
Eloïse avait à son tour pris possession du tissu voluptueux y avait laissé sa trace , Marie de trois ans sa cadette admirait sa façon d'y bercer les poupons, d'y être maitresse femme et mener ses élèves disparates aux lauriers ou au coin selon les jours. Lorsqu'une fibre artisitique se révéla à elle, quelques années plus tard, le pauvre tapis en fut pour ses frais: tâches d'encre de chine, peinture à l'huile l'ornèrent à jamais. Eloïse avait trouvé sa voie ce qui n'était pas du goût de leurs parents, on la maria à un riche commerçant qui partit s'enrichir d'avantage dans les Iles. Marie n'avait maintenant que de rares nouvelles de sa soeur, son coeur se serrait à cette seule pensée. Les tâches indélébiles, s'étaient muées en ornements dont seule Marie en connaissait l'exact emplacement . Elle s'était évertuée à réparer le précieux témoin des enfances familiales dont elle était dépositaire tout comme la maison qui les avait vus grandir. Clo à son tour laisserait sa griffe et d'autres encore ... sur le tapis des jours d'insouciance.
Allons z'enfances... de la famille !
@Tricôtinôzobjets